Suivre les mouvements des gens à l’ère moderne est d’une simplicité inquiétante. J’ai récemment rencontré un détective privé et j’ai été déçu d’apprendre qu’il ne pratiquait jamais la planque, qu’il ne suivait pas les gens dans les rues et qu’il ne possédait même pas de jumelles. 99,9 % de son travail s’effectuait assis devant un ordinateur, en repérant des lieux grâce à des bases de données et à des achats par carte de crédit — surtout grâce aux achats. Malheureusement, l’époque du trilby et de l’imperméable est révolue depuis longtemps.
Archives de la police, Paris
Localiser une personne dans les années 1920 est une autre histoire. La tâche est rendu plus facile si la personne a voyagé, acheté des billets, s’est inscrite à l’hôtel, a possédé des entreprises ou a écrit des lettres. Le fait d’être à l’étranger est particulièrement utile, car de nombreux pays exigeaient des étrangers qu’ils s’enregistrent auprès des autorités dans les six mois suivant leur arrivée. En France, cela signifiait qu’il fallait se rendre au commissariat de police où un petit document pouvait être signé, indiquant les détails du passeport et une adresse locale. Ces dossiers, aujourd’hui conservés sur microfilm aux archives de la police de Parisà Pantin (juste à l’extérieur de la ville), fournissent des informations précieuses sur les mouvements des expatriés. Les microfilms relatifs à George Orwell et au capitaine russe ont permis d’obtenir des détails sur leur vie et leur situation pour mon livre. Mais, comme c’est souvent le cas, une recherche en a entraîné une autre et des dossiers inattendus sont tombés dans mon escarcelle…
L’une de ces découvertes est le formulaire d’inscription à la police d’Aleister Crowley, célèbre occultiste qui a élu domicile à Paris à plusieurs reprises au cours de sa vie. Le microfilm des archives de la police de Paris est daté du 21/02/1929. Crowley a écrit de sa propre main : Crowley, Edward Alexander, 12.10.75, Leamington, Britannique, Homme de lettres. Son adresse (partiellement indéchiffrable) est la suivante : 53 ? ? de Suffren. Le dossier est un document historique assez intéressant en soi, mais outre le fait que Crowley et Orwell étaient tous deux à Paris en 1928-1929 (soyons honnêtes : qui ne l’était pas à ce moment-là ?), ils sont liés par association à une femme : Jacintha Buddicom, l’amour de jeunesse d’Orwell, non partagé. Jacintha a connu Crowley à la fin de sa vie et a même tiré les cartes du tarot pour lui ; une tâche qu’elle a accomplie pour d’autres personnalités, dont Churchill et même les Beatles*.
L’histoire complète de l’amitié de Jacintha Buddicom avec Orwell et Crowley, y compris des détails fascinants et des extraits de la correspondance avec les deux hommes, peut être trouvée dans l’excellent article de Darcy Moore, “Cini & The Beast”, sur son blog.
Duncan Roberts, mars 2024
Traduit par Nicolas Ragonneau
*John Lennon a inclus Aleister Crowley dans sa liste de découpages pour la pochette de ‘Sergeant Pepper’ en 1966. Contrairement à d’autres choix (Hitler et Jésus), celui-ci a été approuvé et Crowley nous regarde depuis le coin supérieur gauche.